L'étrange rencontre de Charles le Parano #3
- Le petit marceau
- 1 juin 2021
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Il se réveilla sans savoir ce qui l'avait réveillé quand une deuxième secousse, venant une minute après la première, vint secouer légèrement son lit et faire tintinnabuler divers objets sur la commode. Il resta allongé, attendant une troisième secousse qui ne vint pas. «Ce sont les travaux, se dit-il. Les travaux qu'il fait dans l'appartement de derrière.» Il y avait un nouveau voisin, dans le petit immeuble, et ce dernier se chargeait de rénover tout son appart. C'était un type de la quarantaine, une épaisse moustache, ainsi qu’une barbe et des pattes. Il se trimballait souvent, lorsqu'on le voyait, en chemise crasseuse, la cigarette au bec, une casquette de sport sur la tête, et traînant avec lui une odeur d'alcool et de tabac. Et, bien sûr, il fallait qu'il fasse ses travaux à cinq heures du matin, le week-end. Il regarda son réveil, qui diffusait, comme toujours, sa lueur rouge, et regarda à nouveau l'heure, bien qu'il l'ait déjà fait au moins deux fois. C'était décidé, il irait parler à Max, celui qui se croyait en droit de faire du tapage nocturne. Pour qui se prend-il ? Et il se rendormit.
Une fois levé – à onze heures, comme chaque samedi matin – Charles, notre personnage, commença sa journée normale, pour ne se souvenir de l'incident de cette nuit qu'à dix-sept heures trente. Et il lui fallut encore une heure pour se décider à vraiment y aller. Il sortit finalement de son appartement, résolut de clore le problème, en allant parler à Max. Il toqua à la porte de son voisin, sans en tirer de résultat. Il refit ce même geste une deuxième fois, pour laisser tomber à la troisième, lorsqu'il entendit derrière la porte : « Oui... C'est pour quoi ? ». Celui qui venait de dire ça venait de le faire d'une voix bourrue, pâteuse, presque comme s'il avait la gueule de bois. Mais il s'agissait sans aucun doute de celle de Max. Charles lui indiqua son identité et son problème, sans que Max ait l'air de trop s'en soucier, après avoir ouvert la porte, pour un minimum de politesse. Il répondit à Charles qu'il « essaiera » de ne plus recommencer. Au moment où Max ferma la porte, Charles aperçut du liquide rouge aux bout de la pièce, vers la droite. Et pas qu'une petite tache... une grande flaque qui sortait d'une autre pièce. La porte se referma sur le visage hébété de Charles Gerardin.
Cette vision le hanta pendant des jours, sans qu'il puisse s'en défaire. Il avait pensé et repensé à la flaque de liquide rouge, de plus en plus persuadé que c'était du sang. Pour vérifié sa thèse, Charles espionna Max, finissant de décharger ses affaires. Et, pour compléter sa vision d'horreur, il vit son monstre de voisin transporter un sac... d'où dépassait une main humaine ! Charles alla immédiatement prévenir la police, mais on le prit pour un hystérique, et on ne le crut pas. Même ses amis commençaient à le prendre pour un paranoïaque. Charles, mort de peur, s'enfermait chez lui dès qu'il le pouvait, lorsqu'il rentrait du boulot. Il n'avait pas vraiment d'argent, et dépensa toutes ses économies en verrous, cadenas, caméras, et autres gadgets idiots pour se protéger de son voisin. Il acheta même un fusil chez un antiquaire, toujours en état de marche, et chargé. Il aurait voulut déménager, mais c'était impossible, il n'avait pas une assez bonne situation économique. Il arrivait juste à payer le loyer et à s'acheter à manger à chaque fin de mois. Il ne pensait plus qu'au tueur d'à côté, qu'il n'avait plus jamais revu depuis qu'il l'avait aperçut avec son sac et sa charge humaine. Ne voulant plus sortir, Charles n’eut plus que la peau sur les os, des cernes énormes sous les yeux, et s'habituait à la noirceur de son appart, fermant tout le temps ses volets. Il manifestait de plus en plus souvent des migraines, qui pouvaient durer jusqu'à plusieurs jours. Il devenait trop agressif avec ses amis ou à son travail, pour qu'on puisse l’apprécier. Ça ne le dérangeait pas vraiment, on ne le croyait pas. C'était même lui qui avait demandé sa démission dans l'usine de calculatrice où il travaillait. Cette histoire continua comme ça pendant encore six semaines.
Puis, un jour, Charles entendit un glapissement, et des cris de terreur de l'habitation d'à côté. N'y tenant plus, il saisit son fusil, vérifia s'il était bien chargé, défit le cran de sûreté, et se lança dans le couloir, défonçant la porte pleine à craquer de verrous. Charles n'avait maintenant qu'un désir : tuer le monstre qui avait brisé sa vie, en venant tuer des gens juste à côté de sa maison. Il continua sur sa lancé, les yeux presque sortis de leur orbite, les lèvres serrées. Il donna le plus grand coup de pied qu'il pouvait dans la porte de son voisin. Elle tomba sur le sol, sortant de ses gongs. Charles repéra Max qui venait voir ce qu'il se passait, le pauvre étant dérangé en train de regarder The Shining, avec la femme de Jack Nickolson enfermée dans la salle de bain. Charles pointa le fusil sur Max, tira et l’abattit sur le coup. Il alla donc dans la pièce où coulait le sang des semaines plus tôt, et eut une autre vision d'horreur, qui le frappa plus mentalement que physiquement. Dans la pièce s'étendaient des nuées de pots de peinture vide, et la pièce elle même était peinte de rouge. Une trace béante s'élargissait par terre, là où il avait cru voir du sang. Il ne s'agissait plus d'une flaque, mais juste d'une marque rosâtre sur la moquette, vestige très probable d'un pot de peinture tombé par terre. En se retournant vers le corps, son regard se porta sur un porte-manteau. Un mannequin s’y trouvait, sur lequel étaient posés des manteaux et des casquettes. Il regarda le sang écarlate de Max imbiber la moquette, et se laissa tomber sur le sol à côté du corps interne de son voisin.
Une nouvelle écrite par Valérian Chabal
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