#1 : L'étrange rencontre d'Alice la malchanceuse
- Le petit marceau
- 26 mars 2021
- 5 min de lecture
Une série de nouvelles écrites et proposées par Valérian Chabal.
Pour ceux qui aiment le FRISSON !
Elle se leva au milieu de la nuit, dérangée par une faim qui lui tiraillait le ventre. Chancelante, elle se tira péniblement de son lit, puis de la chambre, ainsi que de l'étage. Les yeux piquants et encore habitués au sommeil, sa tête n'était pas entièrement à l'endroit. Elle descendit l'escalier d'un pas maladroit, sans trop savoir où elle posait son pied. Une fois dans la cuisine, elle prit quelque chose pour se rassasier.
De retour dans sa chambre, Alice regarda l'heure sur son portable. 02:33. Elle devait être debout depuis une demi-heure environ. Une nuit pourrie, en gros, pour se réveiller demain comme après une nuit passée à boire. Ça lui arrivait à chaque fois qu'elle se réveillait à ce moment-là. Les réveils tardifs, les oublis en chaîne, les migraines qui portaient parfois sur plusieurs jours... Et elle devrait le supporter une fois de plus. Fatiguée, la panse remplie, elle s’étala de tout son long sur le lit. Elle dormit encore six heures, avant d'être réveillée par un étrange bruit en provenance de la salle de bain. La légère lumière du jour pointait derrière les rideaux de la chambre.
Sous l'effet du réveil prématuré, elle se mit lentement debout, pour aller s'occuper de ce qui venait de troubler son sommeil. Elle ne l'avait que brièvement entendu, mais elle savait qu'il s'agissait de la douche. Un bruit qu'elle avait entendu au moins cent fois : celui d'un savon ou d'une bouteille en contenant qui tombe sur le carrelage. Et c'est péniblement qu'elle se traîne, un début de migraine, jusque dans sa salle de bain. La porte est ouverte lorsqu'elle y arrive. C'est suspect. Ceci la sort un peu du coma où se trouvait. Elle la fermait toujours la nuit depuis qu'elle avait emménagé. Jamais elle ne laissé ouverte. Aurait-elle fait du somnambulisme cette nuit ? Ou aurait-elle ouvert la porte simplement par inadvertance ? C'était les hypothèses les plus probables, mais, elle en était intérieurement persuadée, il n'en était rien. Quelqu'un se trouvait dans la salle de bain. Elle ne possédait aucune preuve, pas de raison d'être convaincue de ce qu'elle avançait, mais au fond d'elle, elle savait. Un phénomène qui arrive à certaines personnes, celui de prévoir inconsciemment les crasses qui va nous arriver. Et Alice avait ressentit ce phénomène. Mais, comme on dit, la curiosité est trop forte, et Alice alla donc dans la salle de bain. Laquelle, il faut le dire, est très grande.
La porte donne sur une vaste pièce, à gauche des W.C., un large lavabo avec multiples étagères – dont certaines restent encore vide – et deux robinets. À gauche se trouve un majestueux porte serviettes, ainsi qu'un radiateur bon-marché. Et, au fond de la pièce, on voit une douche incorporée dans le mur, et avec le rideau devant, cachant l'ensemble. Le carrelage blanc et délicat du sol resplendissait aux premiers rayons du soleil, entrant par la fenêtre. La douche, avec son sol incurvé pour empêcher l'eau de sortir, semble totalement innocente. Mais il semble à Alice apercevoir une hombre de l'autre côté du rideau. Avec méfiance, Alice s'approche lentement de sa douche, qui à maintes reprises lui avait servi et assuré une bienfaisance, et qui maintenant n'avait plus rien de cet air agréable qu'elle lui connaissait. Combien de fois le cinéma c'était servi d'une scène d'horreur dans une salle de bain, elle ne le savait pas. En revanche, elle savait que ces moments devenus cultes ne le devenaient pas pour rien. Dans ces films, c'est l'horreur qui plaît aux gens, et c'est dans les salles de bain qu'on en trouve souvent beaucoup. Dans certaines de ses connaissances – Shining, Psychose – le personnage principal se trouvait acculé dans la salle de bain et devait trouver un moyen de se débrouiller. Et si ça lui arrivait vraiment, maintenant, hein ? Qui sait quelles horreurs il pouvait lui arriver ici ?
Mais voilà qu'elle se mettait à délirer, à fantasmer sur des choses qui ne se passent que dans des films faits pour effrayer le public et faire augmenter le nombre de tickets des salles de cinéma... Quelle andouille elle faisait, devant son rideau de douche, attendant qu'un monstre ou un psychopathe ne vienne la tuer. Se servant de ses propres paroles comme une impulsion à se montrer plus courageuse, elle saisit le rideau et le tira de gauche à droite.
Elle ne vit pas ce qui l'attaqua, et en fut plutôt heureuse, même par rapport à ce qui lui arriva. Pour résumer : un truc lui bondit dessus à une très grande vitesse lorsque le rideau de douche fut tiré. Il toucha en premier la tête d'Alice et la fit tomber en arrière. Trop sous la stupéfaction pour comprendre ce qui lui arrivait, elle se laissa faire pendant les premières secondes où se produisit l'attaque. Puis elle commença à saisir la situation morceaux par morceaux. Quand elle comprit que ce qui se trouvait sur elle était en train de lui attraper le visage avec des pattes visqueuses, sa réaction fut comme une douche froide. La vue en partie cachée par les pattes de la bête, elle ne pouvait voir qu'une infime partie de ce qui se trouvait sur elle. À la position que la bête avait sur elle, Alice évaluait la longueur de la bête à environ un mètre des pattes avant à celles de l'arrière, si le terme pattes convenait à la pression que lui faisait la créature. Alice se débâtit encore quelques instants, avant de pouvoir dégager enfin la bête de sa figure et de son buste. Elle le fit de ses deux bras, et en garda un devant la chose pour diminuer les risques d'attaque. Alice tenta légèrement de se mettre sur ses pieds, étapes par étapes, tout en prêtant attention de ne pas regarder la face de la créature. Le corps, elle pouvait se le permettre. D'une couleur brunâtre, il était couvert de verrues. Une queue d'au moins cinquante centimètres, de la même couleur que le corps, y était attachée. Les pattes, comme le pensait Alice, ressemblaient à celles d'un amphibien, mais rien de ce qu'elle savait exister ne pouvait avoir cette taille. Mais la belle démarche d'Alice pour échapper à son sort était vaine. Cela ne dura que quinze secondes, suffisamment pour qu'Alice ait fait des prières désespérées et que la bête se fasse un plan d'attaque sans faille. Elle bondit à nouveau sur Alice, la mordit au visage d'une incroyable force de musculation. La blessure fut simultanée et sur toute la largeur du visage, du coin de la bouche droit jusqu'à la tempe gauche. Le sang se mit alors à couler, et bientôt le sol de la salle de bain devient écarlate. Alice, blessée, rampe jusque dans la douche, et s'y laisse tomber. La créature, quant à elle, disparaît simplement de la zone. Nul ne pourrait dire ce qu'elle est devenue.
Alice continua à se vider de son sang, et fut retrouvée quasiment morte deux heures plus tard par son ami Charles Gérardin, venu lui parler pour la énième fois d'une histoire sans queue ni tête sur un assassin qui serait son voisin. Celui-ci la conduisit à l'hôpital, mais fut coincé dans les embouteillages, et lorsqu'il arriva, les médecins déclarèrent l'état d'Alice comme fichu. La jeune femme de vingt-deux ans mourut à midi trente-six le quinze août 2019, quelques heures après une mystérieuse attaque. Ainsi mourut Alice Wexiwa.
Texte de Valérian Chabal
Source image : pixabay
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